top of page

La philosophie du Yoga


Vous êtes assis confortablement dans votre canapé, sirotant du thé chaud, tout en lisant un article de yoga. Vous avez juste fini votre cours de yoga préféré et vous vous sentez vraiment bien. Chouette entraînement... Et pourtant, profondément en vous, vous savez que le yoga représente plus que l’alignement, l’anatomie, et les commentaires innombrables sur le fait d’être « enraciné », « centré » et « équilibré ».

Vous avez raison, le yoga, c’est plus, beaucoup plus que cela. Les « postures » ne sont qu’un élément d’un système complexe de psychologie spirituelle, une philosophie pratique dont la source est le bijou d’un savoir collecté de l’Inde, vieux de 5 000 ans, les Vedas.

 

LES VEDAS Largement compris comme étant d’inspiration divine, les Vedas sont des enseignements oraux préservés durant des générations grâce à une mémorisation parfaite et à une répétition précise. De l’enseignant à l’étudiant, du père au fils, les sons sacrés des psalmodies védiques font partie intégrante de la vie indienne depuis des siècles. Ce texte, très vaste, traite des batailles épiques de l’homme et de ses efforts intérieurs. L’enseignement est répété à de multiples reprises à travers les psalmodies, les chants, les poèmes, les mythes et les fables. Ces leçons sont tellement riches qu’un adage indien dit : « Si vous avez perdu votre vache, cherchez et vous la retrouverez dans les Vedas ».

LES SIX DARSHANAS De façon à organiser et clarifier ces vastes enseignements, les anciens sages ont exprimé les Vedas selon leur sensibilité par le biais de six philosophies qu’on appelle les darshanas. Le mot vient d’une racine qui signifie «voir». Ces «points de vue» présentent ainsi six manières de regarder la vie, six perspectives distinctes pour réduire la souffrance humaine. Le yoga est une d’elles. Il a été condensé dans un texte intitulé « Les Yoga-Sûtras de Patañjali ». Même si d’autres travaux importants sur le yoga existent, comme la Bhagavad-Gîtâ, la Hatha-Yoga-Pradîpikâ, le Yoga-Rahasya, etc., la philosophie complète du yoga exprimée dans les Yoga-Sûtras est la plus éclairée et la plus complète. Pour bien comprendre le yoga, en avoir à la fois une vue globale et précise, il faut étudier les sûtras de Patañjali, c’est « le » texte de référence. Clarifions : il y a une distinction importante entre le mot « yoga », et la philosophie du yoga. Le mot « yoga » apparaît dans les Vedas où il signifie le plus souvent « (re)lier », ou « focaliser l’attention », tandis que la philosophie du yoga en tant que darshana est un système complet, avec une définition spécifique du yoga, la description des difficultés et autres obstacles, des techniques spécifiques et des actions pour l’accomplir. Alors que trois des darshanas sortent du cadre de cet article, l’exploration de deux autres, le sâmkhya et le vedânta, peut nous aider à comprendre ce que le yoga est... et n’est pas.

VEDANTA ET NON DUALISME Le vedânta est un darshana non dualiste, il constitue le fondement de l’hindouisme. Pour simplifier, le vedânta dit : « Tout n’est qu’un, seule une chose existe », et l’hindouisme étant un non dualisme théiste, cette seule « chose » est Dieu. Malgré l’apparition de nombreuses divinités, il n’y a réellement qu’un seul Dieu : Brahmâ. Beaucoup de manifestations ou expressions divines (« les dieux »), mais un seul Dieu. Il n’y a donc aucune dualité ni multiplicité, contrairement à ce que l’on pourrait croire en voyant tous les « dieux » indiens, car toutes ces formes divines ne font qu’un. Le bouddhisme par exemple est un non dualisme non théiste. Il dit également qu’il n’y a « qu’une seule chose », mais pour le Bouddha, celle-ci n’est pas Dieu mais plutôt quelque chose comme la conscience, la complétude, le néant... Quelque chose, mais rien « qu’une seule » chose. Intransigeant et facilement reconnaissable, le non dualisme utilise des concepts comme «mâyâ», «l’illusion», pour expliquer que toute autre chose que l’UN n’est pas vraiment réel. Pour les non dualistes, la racine de la souffrance humaine est la séparation. Nous souffrons Echo du yoga 63 11 quand nous nous voyons comme ayant une existence séparée de la seule chose, quand nous croyons « l’illusion ». La souffrance prend fin quand on réalise, lentement ou soudainement, avec ou sans outils, que tout est « un ». Les religions et les philosophies sont réconfortantes, sources d’inspiration et assez populaires à travers le monde. Le yoga n’est pas une religion et la philosophie dualiste du yoga est enracinée dans sâmkhya, qui présente un point de vue sensiblement différent de celui des religions. Une autre clarification : il y a sans aucun doute de nombreux non dualistes qui pratiquent le yoga pour approfondir leur expérience de « l’un ». Vous êtes peut-être l’un d’entre eux. Mais le non-dualisme (« tout est un ») ne fait pas intrinsèquement partie de la philosophie du yoga.

YOGA, SAMKHYA, ET DUALISME Le sâmkhya décrit toute réalité comme ayant deux composants : le purusha, ou la « conscience profonde », et la prakriti, la « matière ». Le sâmkhya dit que ces composants sont connectés mais séparés, différents l’un de l’autre. C’est en cela que le sâmkhya est dualiste. Dans le sâmkhya comme dans le yoga, l’objectif n’est pas de fusionner ou dissoudre toutes choses en « un tout ». L’accent est placé sur la nécessité d’éclairer les parties individuelles et de clarifier leurs relations. La relation, comme nous le verrons, est l’axe central dans le yoga. Le purusha est une pure conscience, sans forme. Il ne change pas et il perçoit. Le purusha voit, mais n’est pas affecté par ce qu’il observe. La prakriti est le monde manifesté (grossier et subtil). Cela inclut toute matière, la nature, et le mental ou psychisme. À l’opposé du purusha, la prakriti est changeante, en évolution perpétuelle. Selon sâmkhya, la prakriti possède trois qualités distinctes et fondamentales qu’on appelle les trois gunas. L’une est rajas, facteur de dynamisme et de changement. Dans la nature, le feu est rajasique. Où le feu existe, la forme change : le papier devient cendre, le bois devient braise, et l’oxygène froid et la matière organique se transforment en dioxyde de carbone. Les humains font 12 Echo du yoga 63 l’expérience de ce guna par l’action mais aussi par l’anxiété, la nervosité, l’insomnie, etc. Le second guna est tamas : lent, lourd, obscur et résistant. Dans le monde naturel, le roc est tamasique. La pierre change de forme, mais très lentement et seulement après avoir subi beaucoup de pressions ou de frottements. Tamas est la résistance au changement. On expérimente tamas dans l’ennui, la fatigue, l’hésitation, la léthargie, le doute et la dépression. Le troisième guna est sattva: ce qui est juste, bon, lumineux, transparent. Sattva caractérise ce qui est approprié, équilibré, harmonieux, lumineux et positif. Selon sâmkhya, la vraie nature du mental humain est sattvique. Et sattva, bien que faisant partie de la prakriti, est l’aspect de la matière la plus proche du purusha. En d’autres termes, la caractéristique de conscience et de stabilité de purusha sera plus probablement expérimentée par un mental sattvique. Un esprit trop agité (rajasique) ou trop lourd (tamasique) fait seulement l’expérience de son propre mouvement. Il ne peut de fait connaître sa conscience profonde (purusha). La conclusion du sâmkhya est que pour connaître la vérité la plus profonde, être stable et heureux, un esprit sattvique est requis. La pratique du yoga vise par conséquent à favoriser sattva dans le mental. Toute pratique qui s’en éloigne – fut- ce la pratique des postures – ne fait pas partie du yoga.

LES YOGA-SUTRAS ET L’ESPRIT SATTVIQUE Les Yoga-Sûtras de Patañjali sont comme un guide pour cultiver un esprit sattvique. Le grand sage Patañjali a compilé les sûtras il y a environ 2 000 ans. On n’en sait pas beaucoup plus sur ce personnage à part qu’il a également composé des travaux de fondement sur l’âyur-veda (la médecine traditionnelle de l’Inde) et la grammaire sanskrite. Les 195 aphorismes des Yoga-Sûtras sont des enseignements succincts sur la vie, la souffrance, et la nature du mental. Premier texte à explorer la psychologie humaine de manière aussi profonde et systématique, les sûtras ressemblent plus à des notes de lecture qu’à des leçons complètes. Ils se prêtent à de nombreuses interprétations en fonction de l’état d’esprit de l’étudiant. Pour bénéficier pleinement de ces enseignements immémoriaux, il convient d’étudier les sûtras avec un enseignant qualifié, un enseignant aussi familier avec chaque sûtra qu’avec les besoins de chaque étudiant. En terme général cependant, la philosophie du yoga constate que le mental est aussi bien un outil intéressant qu’une source de souffrance. Dans l’aphorisme I.2, Patañjali définit l’état de yoga par « un mental sattvique, stable, et capable de se concentrer » (citta-vritti- nirodha). Il s’agit du mental qui peut expérimenter la vérité, la conscience, et la joie, (sat-cit-ânanda), ce qui, selon le yoga, est notre vraie nature. Mais du fait que le mental fait partie de la prakriti, il peut également être rajasique ou tamasique. Un tel mental déséquilibré est enclin à une perception faussée. Le résultat est la tristesse, l’inconfort et la maladie. Et cette douleur est réelle. A l’inverse du non dualisme où la séparation et la tristesse sont vues comme illusoire, pour le yoga la souffrance, la maladie et la tristesse sont des réalités tangibles. Elles peuvent toutefois être remplacées par d’autres réalités comme le confort, le bien-être, et la joie. Les sûtras explorent de nombreux aspects de la vie, y compris les relations, le style de vie, le corps, la respiration, les sens, et l’esprit. L’objectif, une fois de plus, est d’accomplir la complétude en affinant les parties individuelles et en clarifiant leurs relations. Puisqu’elles sont toutes interconnectées, l’affinement d’une aire crée une amélioration pour les autres. Ainsi, une respiration lente, profonde pour mobiliser le corps dans des postures stables et confortables, peut aider à focaliser le mental et éclairer les émotions. Ceci nous ramène au début de l’article : vous vous sentez bien juste avec votre thé chaud après votre cours de yoga favori. Allez-y, prenez une autre gorgée, c’est bon.

 

Livre pour étudier les Yoga-Sutra de Patanjali

- Yoga-sutra de Patanjali, Miroir de soi par Bernard Bouanchaud, au édition Agamat (Formateur et Fondateur de la Fondation Viniyoga) -

Disponible à la bibliothèque de l'Ecole Aveyronnaise de Yoga, pour les membres de l'association.

-Les cahiers de Présence d'esprit N°9 Patanjali Yoga-sutra (Traduction et commentaire de Frans Moors

Disponible à la bibliothèque de l'Ecole Aveyronnaise de Yoga, pour les membres de l'association.

Extrait d'un article écrit par Robert Birnberg Professeur de yoga et formateur en Californie, reconnu par la Krishnamacharya Healing and Yoga Foundation Traduction : Marie De Clerck


32 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page